Édition du samedi 21 décembre 2024
et descendants de François-Louis LEVASSEUR dit BORGIA
LA MAISON JACQUET
UNE AUTRE MAISON MONTCALM À QUÉBEC
(1759)
——Après avoir établi en quoi consiste la véritable étendue de la tradition de la maison Montcalm situe sur la rue des Remparts, (Cf. Bulletin des Recherches Historiques, août 1902) il nous incombe, comme citoyen de Québec pour ne pas faire erreur, surtout vis-à-vis des étrangers d’examiner au juste le fondement et la valeur de l’existence d’une autre tradition se rattachant à une autre maison en ville où serait mort Montcalm.
L’origine en est inconnu jusqu’à présent, et son caractère est assez vague; car on ne lui attribue aucun indice spécial qui irait à la relier en quelque manière à ce point historique et à la maison du chirurgien du Roi, André Arnoux, en particulier, ou à Montcalm. Commencée comme tradition orale, ce n’est que récemment (1884) qu’elle est venue prendre une consistance par écrit, toutefois en ne s’affirmant d’abord que d’une manière timide, générale et indéterminée, sous le nom de maison Montcalm. Elle devint peu après positive, si bien que le dernier guide de la cité de Québec, Guide to the City of Quebec, Carrell, 1899, affirme et fixe l’endroit ainsi nommé comme étant la maison et demeure d’Arnoux, et conséquemment la mort, là, de Montcalm.Il existe en effet à l’encoignure sud-ouest de la rue Desjardins, à son entrée à son entrée dans la rue Saint-Louis, une maison d’antique apparence , faisant face sur cette dernière rue, mais un peu en retrait. Elle est bâtie en pierre à un étage et surmontée d’un toit fort raide, formant double grenier, avec lucarnes à la capucine. On remarque un vestibule qui conduit à la porte d’entrée. Vraisemblablement, et tel que son histoire y remonte, c’est une des plus anciennes, sinon la plus ancienne connue, des habitations des premiers temps de Québec.
On ne peut déterminer une époque précise où l’appellation orale ci-haut énoncée a commencé; cependant elle ne pourrait remonter au-delà de 1824, d’après les données que nous allons exposer; si toutefois elle pouvait atteindre cette date. Sous le nom de maison Montcalm on comprend et entend aujourd’hui tout ce qu’on appelle l’Hôtel ou Restaurant Montcalm y compris les deux maisons c’est-à-dire les deux corps de logis distincts et contigus; mais le nom de maison Montcalm, proprement dit, n’est attaché maintenant qu’à la vieille maison du coin. L’édifice y attenant du côté ouest, qui forme une addition à cette maison, est un corps de logis distinct, aujourd’hui en ligne avec la rue Saint-Louis, sur laquelle il empiétait de plusieurs pieds, que la cité a acheté depuis peu pour aligner la rue. Il porte l’enseigne de Montcalm Hôtel à l’exclusion de l’autre maison qui n’a jamais servi à cet usage. Par son aspect il ne présente aucune marque d’ancienneté. L’emplacement couvert par ces constructions est situé dans le (ci-devant) fief Saint-Joseph appartenant aux RR. Mères Ursulines de Québec. Les Dames Religieuses de cette communauté le concédèrent autrefois par contrat passé devant Mtre Becquet, notaire royale à Québec, le 20 novembre 1774, au nommé François Jacquet dit Langevin [1], maître couvreur d’ardoise, en désignant le terrain comme suit : « un emplacement proche leur monastère contenant quarante-cinq pieds de profondeur et quarante-six pieds de front sur la grande rue » (Saint-Louis) moyennant une rente foncière de 6 livres tournois payable à la Saint-Michel chaque année, plus un sol de cens portant profit de lods et ventes, saisine et amande, le cas échéant.
Jacquet fit donation de ce terrain à l’enfant aînée de Pierre Menage (Cf. Papier Terrier de 1737).
Pierre Menage était charpentier et résidait à la rivière Saint-Charles. Il s’était marié à Québec le 13 mars 1673 avec Anne Leblanc, à la suite de son contrat de mariage passé le 30 novembre précédent devant le même notaire Becquet. On voit par ce contrat qu’il était fils de François, vivant, marchand de la ville de Poitiers, et de Françoise Lunette.Sur l’emplacement ainsi donné à sa fille il bâtit « la maison de pierre à un étage de vingt-cinq pieds de long sur trente de large avec hangar et cour », désigné au papier terrier de 1737 ci-après mentionné, où l’on va voir qu’elle est la même que celle qui existe aujourd’hui, avec les mêmes divisions à l’intérieur et vestibule à l’entrée.
Cette construction doit remonter vers l’année 1677, époque où Menage commença en son nom le paiement de la rente foncière [2]. La désignation exacte du terrain et la description de la maison sus-construite, semblable à celle d’aujourd’hui, comme on l’a dit, se trouvent données soixante ans après par les héritiers Menage à l’aveu et dénombrement pour la confection du papier terrier fait en 1737 par Honoré Saint-Michel, seigneur de Rouillière (ou de Rouvillière), commissaire de la marine et ordonnateur pour la confection du papier Terrier en la Nouvelle-France.
(Cf. Aveu et dénombrement, C. 2, vol. II, fol. 258, Département des terres de la Couronne).
Pierre Menage étant décédé le 15 avril 1715, ce sont sa veuve et ses héritiers qui durent comparaître alors qu’ils sont portés à ce terrier comme tenanciers en commun du lot et maison.Il est a propos de remarquer ici par rapport à la contenance exacte donnée du terrain et pour rendre compte du petit espace ou jardin entre le front de la maison et l’alignement de la rue Saint-Louis, que les RR. Mères Ursulines, avant de faire des concessions de lots à bâtir sur leur fief, avaient soumis au comte de Frontenac un plan pour servir à régler les alignements des maisons à construire. Ce plan original, conservé dans leurs archives, fut approuvé par lui sous sa signature et celle de Barrois, son secrétaire, en date du 25 juin 1674, et l’emplacement Jacquet y est bien marqué et délimité.
Subséquemment, lors du redressement de la rue Saint-Louis et du nouvel alignement donné par la Cetière, commis du grand-voyer, le 3 juillet 1718, - en vertu de l’ordonnance du comte de Frontenac et M. de Champigny, intendant, du 12 juin 1698 -, l’emplacement Menage se trouva à gagner le surplus de terrain qui forme le petit jardin devant la maison et qui lui fut accordé de fait par le procès-verbal du grand-voyer : car le plan ci-haut mentionné n’incluait pas cette lisière dans son emplacement, quoique le mesurage par son titre le comportât; et le reste du lot s’avança en sus de plusieurs pieds et projetait isolément sur la rue jusqu’à ce que la cité en fit un redressement récent (1893), tel qu’on l’a dit.
L’alignement sur la rue Desjardins avait déjà été fixé par Mtre Rageot, commis dur grand-voyer, par procès-verbal du 23 juin 1689, établissant la largeur de la rue à son entrée dans la rue Saint-Louis à vingt-deux pieds huit pouces entre la maison de Marie-Anne Menage et celle du nom Noël Levasseur, propriétaire vis-à-vis. Comme « la clôture du jardin de Menage de l’autre côté de la dite rue se trouvait à excéder de quatorze pouces et faisant un angle finissant à rien à la dite maison », il fut enjoint au dit Pierre Menage de la redresser en conséquence.
(Cf. Procès-verbaux des Grand-Voyers à ces dates, archives du greffe de Québec.)
Grâce à l’obligeance des RR. Dames Religieuses Ursulines et la bienveillante communication de pièces et documents concernant ce terrain, nous avons pu suivre la suite des propriétaires de cette maison jusqu’à aujourd’hui; et en référant à leurs livres de comptes, qui constatent le paiement de la rente foncière perçue par elles, on trouve la date des changements de propriétaires par le paiement des lods et ventes lors des mutations.Ainsi on voit que Menage continua le service de la rente en personne jusqu’à 1690 inclusivement, et paya ensuite une année, 1705.
Le Père Rafeix, S.J., paya son acauit les trois années suivante.
Le sieur François de la Joüe, architecte, gendre de Menage, pour avoir épousé sa fille Marie-Anne, avait acquitté la rente de 1691 à 1705, et la veuve Menage continua le paiement jusqu’à sa mort, 29 novembre 1734.
Ensuite le même sieur de la Joüe paya pour les héritiers Menage les années 1739-40-41-42-43 et 44.
Le sieur Philippe Beaudin acquita la rente au nom des héritiers pour les années 1745 et 46.
Pierre Levasseur, fils du Noël ci-dessus, menuisier, un autre gendre, le même qui appert au recensement paroissial de 1716, âgé de 55 ans, avec Anne Menage, sa seconde femme, âgée de 40 ans, paya pour les années 1747-48.
Leur fils, François-Louis Levasseur (François de Borgia) servit la rente des années 1749-50-51-52-53-54-55-56 et 57. [3]
Alors le sieur Jean-Baptiste Prévost devint acquéreur et comme tel paya les lots et ventes aux Dames seigneuresses ainsi que la rente pour l’année 1758.
François Descarreau, son gendre, paya en espèce (en 1762) pour les années 1759-60-61-62.
Ainsi on ne découvre rien jusque là qui puissent rattacher cette maison appelée Montcalm soit au nom de ce général, sout à celui d’Arnoux; et notamment on aurait pour autoriser la prétendue tradition à démontrer pour lors une location à Arnoux par Prévost ou Descarreau, ou bien une habitation de fait par lui de cette maison; ou encore, peut-être, une occupation ou possession par lui à l’encontre de ces propriétaires connus.
P.-B. Casgrain___________________________________
Bulletin des Recherches Historiques, Vol. 8, No 11, Novembre 1902.
- François Jacquet devait être en possession auparavant, avec promesse de titre, car au Papier Terrier de août 1670, Becquet, notaire, le nommé Michelon était son voisin de l’autre côté (est) de la rue; et celui-ci est dit « borné à la rue qui sépare le dit emplacement de celui de François Jacquet et de Mtre Jean Levasseur », qui le suit.
- Dès avant 1691, d’après un bail du octobre, Rageot, Nre, par Menage à Morel de la Durantaie; il avait à lui un logement attenant à cette maison du côté ouest.
- Le même qui était propriétaire de la maison Borgia, dont il s’agit à la bataille des Plaine d’Abraham.