Édition du samedi 21 décembre 2024
et descendants de François-Louis LEVASSEUR dit BORGIA
LE MOULIN A VENT ET LA MAISON DE BORGIA LORS DE LA BATAILLE DES PLAINES D’ABRAHAM
Où était ce moulin à vent et cette maison Borgia dont parle le chevalier Johnstone , p. 43. « The wind-mill and Borgia’s House, upon the edge of the hill………the Canadians having set fire to that house and chased you form it you retook your former position”.
On trouve dans ce temps là plusieurs de ces moulins à vent dans la ville et ses environs. On pourrait croire de prime-abord qu’il s’agit du moulin de M. d’Artigny, en face de Wolfe, sur le bord de la Butte-à-Neveu, situé précisément devant son aile droite au haut de la côte, sur l’emplacement de la tour Martello No. 2, et à cent verges de distance d’un Borgia (Augustin-Borgia Levasseur), sur la côte Perrault, maintenant représenté par M. Guilmartin. Cependant il n’en est rien (1). Ce Borgia n’est devenu propriétaire là qu’en mai 1790, et le moulin à vent dont il s’agit était, suivant Johnstone, vis-à-vis l’aile gauche de Wolfe, déployée sur le coteau Sainte-Geneviève, et laquelle paraissait tenter une descente vers le pont de bateaux sur la rivière Saint-Charles, par l’ancien chemin qui y descendait de ce moulin.
En effet, ce moulin se trouve indiqué sur plusieurs cartes et plans, entre autre par Villeneuve, 1685, par Lévis, 1760, Holland, 1785, par le plan gravé de 1775 sans nom d’auteur, et par le plan de Perrault, aux Ursulines, jusqu’en 1790.
Nous croyons qu’il remonte à Jean Bourdon qui avait obtenu une concession de terre, fief Saint-Jean, avec permission d’y bâtir un moulin à vent faisant du blé et farine, suivant les titres primitifs énumérés dans un acte consenti par son fils, Jean-François, à Charles Bazire devant Mtre Becquet, notaire royal, le 28 août 1677, et porté au cahier de l’Intendance du domaine de Sa Majesté, représenté par la compagnie de la Nouvelle-France. Jean Bourdon avait obtenu de la compagnie, le 19 mars 1661, l’érection en fief de sa maison appelée Saint-Jean, dans la banlieue de Québec. Les bornes de son terrain lui avaient été assignées le 23 mai 1637. Cf. acte de foi et hommage, vol. II, p. 474, A.D. 1726.
Ce Moulin parait avoir été situé à l’endroit de la remise des Chars Urbains, sur la courbe du chemin Saint-Jean, à son entrée dans la rue d’Aiguillon actuelle, lequel continuait alors de là par divers détours, suivant les accidents du sol, jusqu’à la porte Saint-Jean. Cf. Plan de 1775. Ce ne fut que plus tard que la rue Saint-Jean qui se continuait tout droit dans la rue Saint-Joachim, fut alignée et nivelée, telle qu’on la voit aujourd’hui, pour reprendre la courbe. Bourdon avait donné à un rocher en cet endroit le nom de La Roche Bernard, en souvenir d’un rocher semblable près de Notre-Dame d’Auray, en Bretagne. C’est au pied de ce même rocher que se faisaient les exécutions militaires, sous le régime anglais, comme n’offrant aucun danger pour fusiller les soldats.
Ce même fief Saint-Jean devint la propriété de Michel Sarrazin, médecin du roi, et conseiller au Conseil Supérieur de Québec, comme adjudicataire, le 22 octobre 1709, entre autres, de divers immeubles vendus par autorité de justice sur M. de la Chesnaye. Ce fief passa en diverses mains pour tomber en partie dans celles des Dames Ursulines de Québec et aussi de l’Hôtel-Dieu.
Suivant ce plans le moulin aurait été situé à l’ouest d’un chemin montant de la vallée Saint-Charles, tandis qu’aujourd’hui il se trouverait à l’est de la Côte-a-Sauvageau.
Cependant on découvre dans un autre plan imparfait à l’Hôtel-Dieu de Québec, un chemin de convention entre ces Dames Religieuses et les Ursulines qui servait à monter le coteau et qui concorderait un peu avec le tracé sur les plans ci-dessus cités. Il semblerait descendre dans la vallée par la côte de la Négresse pour atteindre la rivière Saint-Charles.
Maintenant quel était ce Borgia et où était sa maison, dont les Anglais s’étaient emparé de bonne heure, qui fut reprise et brûlée par les Canadiens ?
C’est dans le recensement de Québec en 1716, publié par l’abbé Beaudet en 1887, que se présente pour la première fois en ce pays le nom Borgia, nom espagnol.
Il fut donné au baptême, à Québec, le 4 avril 1707, à François Louis de Borgia, porté au recensement sous de nom de François de Borgia, âgé de 10 ans, fils de Pierre Le Vasseur, menuisier, âgé de 55 ans, et de sa seconde femme, Anne Ménage, âgée de 40 ans, demeurant rue qui est le long du jardin du Fort (des Carrières). Ce nom fut donné à l’enfant en l’honneur et sous le patronage de saint François de Borgia, canonisé depuis peu (1671).
Le Dictionnaire généalogique de Mgr Tanguay ne mentionne pas plusieurs des onze enfants alors vivants de ce couple. Vol. V p. 387.
Il omet entre autres celui-ci né entre Barthélémi, baptisé le 16 janvier 1705, dit âgé de 12 ans, et François-Ignace, dit âgé de 9 ans, baptisé le 4 septembre 1708.
Ce même François-Louis Borgia Le Vasseur épousa en premières noces, 2 mai 1730, à Québec, Hélène Moreau, et en secondes noces, 27 août 1744, Marie-Joseph Gatien. En 1759 il était donc âgé de 52 ans. Il portait simplement alors le nom de Borgia, que portent aujourd’hui ses descendants, et fut l’ancêtre de Joseph Le Vasseur Borgia, avocat célèbre dans sa profession, destitué par le gouverneur Craig en 1810 et élu député à l’Assemblée Législative de 1800 à 1829.
Dans ses Mémoires, M. de Gaspé (p. 301) raconte qu’après avoir commencé ses études de droit chez le juge en chef Sewell, il entra pour les continuer chez M. Borgia. Il faut en rabattre un peu du langage qu’il prête à son deuxième patron sur le peu d’importance et d’utilité de la science légale; à moins de prendre ce passage pour une boutade d’étudiant, ou un trait satirique qu’on s’est plu de tout temps à lancer contre les gens de loi, mais qui ne peut atteindre l’avocat Borgia.
Pour en revenir à ce François-Louis de Borgia, le propriétaire de la maison qui nous occupe, nous le retrouvons voisin du nord-est de l’habitation du même Sarrazin, et de l’autre côté borné aux Dames Ursulines.
Le 28 décembre 1758, sous le nom de François-Louis Borgia Levasseur, bourgeois, de Québec, il présente au greffier du domaine du roi un contrat de vente à lui faite par Simon Chamberland par devant Mtre Boucault, notaire royal, le 26 novembre 1742, « d’une terre en la censive de Sa Majesté, située au dit lieu de la côte Sainte-Geneviève (dite sise côte Saint-Jean au registre) de 3 arpents de front sur toute la profondeur (sur 20 arpents de profondeur, dit aux registre) à prendre depuis le chemin du Roi, vis-à-vis le terrain appartenant ci-devant au Sr. Perthuis, jusqu’au chemin du Roy de la Grande-Allée, tenant au sud-ouest à l’habitation de M. Sarrazin et à présent ses héritiers, et d’un côté du nord-est, aux terres ci-devant appartenant à M. (Rouer) D’Artigny et à présent aux Dames Ursulines ».
Le titre de vendeur de Chamberland provenait des héritiers Pinguet, suivant contrat passé devant Mtre Rageot, notaire royal, le 25 septembre 1723.
Il est naturel de croire que ce Borgia, bourgeois, ait dû se bâtir une maison sur une propriété d’une soixantaine d’arpents d’étendue aux portes de la ville, dont il jouissait depuis un quinzaine d’années. Comme cette maison a été incendié, il est presqu’impossible aujourd’hui d’en déterminer précisément le site, sinon qu’elle était dans la direction du moulin à vent, suivant le chevalier Johnstone, et construite au sud-est de la courbe de l’ancien chemin Saint-Jean. Le plan de la bataille dans Jeffreys, p. 131, indique deux maisons à peu près vers cet endroit, sur le bord du chemin.
P.-B. Casgrain
Bulletin des recherches historiques, Vol 6, février 1900, No. 2
Éditions Pierre-Georges Roy, Lévis---------------------------------------------------
1. En prévision du siège par Lévis, Murray fit sauter ce moulin le 22 janvier 1760, pour y ériger un redoute, block-house. C’était son ouvrage le plus avancé et la plus grande des cinq redoutes devant la ville de ce côté et dominant comme au niveau de la citadelle. Elle était garnie de deux canons et considérée comme hors d’insulte. Un accident mit le feu aux poudres; le toit fut emporté et un capitaine et une vingtaine d’hommes furent blessés. Elle brûla jusqu’à terre. (Murray p. 33. Knox II p. 298)
© Léo Borgia 1999-2024